De l’usage pédagogique et responsable des réseaux sociaux

09 / 02 / 2021 | Claudia Vivien

Article de Claudia Vivien et Ariane Diament enseignante en GS.

Introduction :

En théorie, il est difficile de fournir une définition universelle de ce que sont les réseaux sociaux.
On peut définir les réseaux sociaux comme des sites Web où des gens peuvent s’inscrire pour

  • profiter de plateformes très populaires et utilisées un peu partout à travers le monde ;
  • consulter des informations, s’inspirer d’idées, prendre des conseils ;
  • intégrer une communauté d’individus reliés entre eux par différents centres d’intérêts sur lesquels échanger.

Pourquoi intégrer les réseaux sociaux dans un projet pédagogique ?

Du côté des élèves :

Pour comprendre le monde qui les entoure, les élèves doivent apprendre à s’informer en exerçant leur esprit critique. Le monde virtuel étant « le monde des jeunes », il apparaît nécessaire d’intégrer les médias sociaux aux apprentissages et d’éduquer les élèves à :

  • distinguer les différentes sources d’informations,
  • comprendre les contextes de fabrication et de diffusion de l’information,
  • repérer les fausses informations ou intoxs et se saisir de l’information à caractère scientifique,
  • connaître les usages et les effets des images,
  • savoir déconstruire les stéréotypes.

La diversité des représentations médiatiques constitue, un fort enjeu de cohésion sociale. Se limiter aux médias traditionnels qui fonctionnent encore trop souvent comme des miroirs biaisés, incapables de refléter la diversité sociale, ethnique et culturelle de notre société revient à limiter la réalité du monde.

Chaque média a par ailleurs sa propre ligne éditoriale. La ligne éditoriale correspond à l’ensemble des choix rédactionnels effectués par les journalistes lors des conférences de rédaction. Elle oriente la manière dont sera traitée l’actualité. car il faut bien distinguer le fait d’actualité (information récente, factuelle, vérifiée, qui intéresse le plus grand nombre) et le traitement éditorial de ce fait d’actualité (un journaliste choisit un angle, c’est-à-dire un aspect particulier d’un sujet d’actualité, la tonalité de la publication ou de l’émission…). Il en résulte que le traitement d’un même événement peut être différent en fonction du média.

Instagram de par la nature de l’outil, offre une alternative aux médias traditionnels, avec des possibilités pédagogiques certaines d’éducation à l’image.
L’image est le mode de représentation du monde le plus facile d’accès en termes de perception ; même les plus jeunes « voient » les images. Cependant, sa lecture, c’est-à-dire sa compréhension, s’apprend. Le regard s’éduque et se cultive afin que chacun prenne conscience que l’image est un filtre, une construction, un véritable langage que la représentation visuelle médiatise. Les images peuvent être le témoignage de la réalité mais aussi s’en éloigner pour l’enrichir d’éléments non visibles à l’œil nu, ou encore pour illustrer des faits d’une autre façon, voire aller jusqu’à les déformer ou les trahir, selon l’intention de leurs auteurs.
Pour développer l’esprit critique des élèves, il peut être intéressant de proposer de comparer plusieurs types d’images provenant de différentes sources médiatiques, autour d’un thème d’actualité : un « même* » repéré sur un réseau social, une photo de presse légendée, un dessin de presse… à charge aux élèves d’en découvrir la source, l’auteur et les intentions, les éléments explicites et implicites, les événements précis auxquels les images font référence ou le ton utilisé par le texte accompagnant l’image…

*Les mèmes, nouvelle forme de langage médiatique :

Aussi rapide à créer qu’à comprendre, modifiable et partageable à l’infini, le mème a envahi peu à peu l’ensemble de l’espace médiatique et circule de façon « virale » sur les réseaux sociaux.
Dans la majorité des cas, ces publications ont recours aux émotions. Il s’agit de textes, photos ou courtes vidéos, souvent teintés d’humour.
Si le mème est si rapidement assimilé et partagé, c’est qu’il fait appel fait appel à la connivence : un signe de tête ou un clin d’œil indiquant un savoir partagé sur un événement et l’ internaute qui le comprend, montre son adhésion au groupe culturel, en le partageant à nouveau avec ou sans modifications.
Au-delà de l’humour, il s’agit bien souvent de faire circuler efficacement des opinions
Les clés du discours (un événement récent, une déclaration politique, une campagne publicitaire ou une tendance culturelle plus large) n’y sont souvent pas citées, ce qui oblige l’internaute à faire lui-même un lien.
Cet effort supplémentaire exigé de lui est une technique de persuasion, parce qu’il crée chez l’individu le sentiment d’être connecté aux autres », analyse dans la revue Pour la science Claire Wardle, chercheuse spécialisée dans la désinformation, qui craint que la simplicité du format en fasse un vecteur efficace d’infox.

Parmi les situations d’apprentissage que l’on peut mettre en place autour des réseaux sociaux, on peut proposer aux élèves de créer leurs propres mèmes à partir d’une image, en travaillant sur le ton humoristique et les références implicites de leur publication.

La publication de posts sur les réseaux sociaux est aussi une valorisation du travail des élèves et une reconnaissance des efforts fournis. Elle permet d’entretenir la motivation même lorsque c’est difficile...

Du côté des enseignants :

La pratique des réseaux sociaux grand public et gratuits pour un usage professionnel, à l’échelle mondiale d’Internet, se généralise parmi les enseignants. Elle nécessite une grande prudence quant à la diffusion d’informations institutionnelles ou touchant aux élèves et doit se réaliser de façon responsable, sécurisée et fiable, en toute sérénité, sans nuire à l’institution scolaire ni à ses acteurs et dans un cadre juridique strict  :

  • autorisations de publications de l’image et/ou de la voix des élèves (données à caractère personnel, droit à la vie privée),
  • autorisations de publications des productions des élèves (propriété intellectuelle),
  • charte d’utilisation du réseau social par les élèves, à faire signer par l’élève et ses parents ,
  • identité du responsable de publication du compte classe : le chef d’établissement ou par délégation l’enseignant.

On parle aujourd’hui de « Learning social » qui permet l’apprentissage collaboratif et les échanges des uns avec les autres à travers le territoire national et international.

Les réseaux sociaux permettent aux enseignants d’échanger avec leurs pairs sur leurs pratiques et les différents sujets qui les concernent et de faire connaître à leur classe, leurs élèves et leurs familles des blogs, des articles, des outils pédagogiques…
Certains enseignants sont des références sur les réseaux sociaux. Ils ont créé et développé au fil des années, des blogs personnels voire des vlogs (dont le principal média est la vidéo), qui proposent des ressources, des conseils pour la classe, des informations sur des sujets transversaux. Ils jouissent d’une certaine notoriété et sont reconnus comme de véritables profs bloggeurs.

Les réseaux grand public et gratuits les plus utilisés :

Facebook : c’est le premier réseau social mondial et certainement le plus célèbre. Il permet la constitution d’un réseau d’échanges de posts, d’informations, et plus largement de contenus (texte, photo, son, vidéo) à partir du profil des membres.
Différents groupes Facebook fleurissent pour partager des informations pratiques (des propositions de séances, des fiches techniques, des règles de jeux de manipulation…) et répondre à des questionnements concernant des méthodes ou pratiques pédagogiques.

Twitter : c’est un réseau social de microblogging limité à 280 caractères et un moteur de recherche instantané, qui permet notamment de créer du contenu en temps réel. Les hashtags constitués d’un mot clé permettent de suivre facilement une actualité, un contenu. On peut aussi effectuer une veille sur des thématiques ou des sujets personnalisés. L’intérêt de cet outil réside essentiellement dans la production d’écrits en situation de communication vraie (contrairement au blog de classe où les retours sur le travail présenté sont rares).

Instagram : ce réseau permet le partage et le commentaire de photos, de carrousel d’images et de vidéos avec ses contacts. Il utilise des filtres qui rendent les photos plus attractives. Le récit ou « Story éphémère » (effacée sous 24h), illustré par les seules images, y devient le mode de communication privilégié. Les enseignants y publient des petits films réalisés avec leurs smartphones ou tablettes. Ce sont des traces de ce qui se fait en classe ou lors de projets. Ces stories présentent un travail en cours, des manipulations d’élèves, des rendus de travaux, des ateliers, des procédés plastiques particuliers, des nouveaux outils ou matériels pédagogiques.... Une story peut aussi constituer une séquence pédagogique à part entière et où les élèves conçoivent tout de A à Z : le contenu, les photos et le montage. Les échanges entre internautes sont facilités par des notifications à l’enseignant qui publie les posts.
Instagram permet à l’enseignant de garder des traces de moments de cours, pour analyser ce qui a fonctionné ou pas à des moments clés de la séance, pour une remise en question et une prise de recul dans son approche des sujets mais aussi de sa posture face aux élèves.

Pinterest : il n’est pas en reste et permet d’épingler pêle-mêle des idées sous forme d’images, sur un mur virtuel. Le moteur de recherche Pinterest permet d’ouvrir ses horizons de façon très élargie, d’autant plus si les mots clés sont tapés en langue étrangère (à l’aide de Google Traduction). Le mur virtuel peut devenir un tableau collaboratif, ouvert aux collègues invités, où chacun pourra faire des propositions sur un thème commun, sous la forme d’épingles qui renvoient par des liens vers les sites source.

Snapchat : ce réseau sert au tchat et aux échanges de contenus éphémères puisque la durée des publications peut être limitée. C’est un réseau très populaire chez les adolescents pour la fluidité des échanges. Il a été beaucoup utilisé pendant le confinement par les enseignants pour conserver le lien avec les élèves et leurs familles avec des posts du type : la phrase du jour ou l’idée du jour…

Conclusion :

Le monde virtuel est, en quelque sorte, « la nouvelle réalité » de nos jours.

Il ne faut donc pas fermer les yeux devant les nombreuses possibilités qu’offrent ces technologies.
Cependant, les réseaux sociaux nécessitent un apprentissage pour en comprendre le fonctionnement, la technicité et l’intérêt.
Ils nous invitent à la vigilance quant aux dérives et aux risques sur la toile : cybèrharcèlement, rumeur et e-réputation dégradée, plagiat, violation du droit à l’image, usurpation d’identité...
De même, la fidélisation aux réseaux sociaux est contraignante et peut devenir chronophage. Leur usage nécessite de la discipline face aux écrans. Il faut contrôler cette extension sur le temps personnel.
Dans tous les cas, ce n’est pas la pédagogie qui s’adapte au réseau mais bien le réseau qu’on adapte à ses besoins et qui devient un outil d’enseignement.